Moroccan Bass

L’imprégnation à des degrés divers de la musique traditionnelle nord-africaine par le Rock’n’Roll est un processus ininterrompu depuis les années 1950. Des artistes comme Rachid Taha, Bargou 08, Nass El Ghiwane en sont les fiers représentants. Et un groupe comme Hoba Hoba Spirit a même intitulé un des ses albums Marock’n’Roll. La musique du Rif marcocain a influencé en retour la musique pop/rock anglosaxone. En 1968, le guitariste des Rolling Stones Brian Jones enregistre plusieurs heures de bandes avec des musiciens de Jajouka qui seront en partie publiées sur l’album postume Brian Jones presents : the pan pipes of Jajouka. En 1989, les Rolling Stones produisent aussi avec les Jajouka un titre de l’album Steel Wheels : Continental Drift. En Belgique, le chanteur Arno a pu parler lui aussi de Marock’n’Roll pour définir un style de métissage entre sa musique rock et celle de la communauté marocaine. Un genre qui ne s’est jamais vraiment crystalisé car à Bruxelles la jeunesse issue de l’émigration margrébine semble d’avantage s’intéresser au rap français ou américain qu’à la musique traditionnelle.

Et puis vint le Moroccan Bass, courant de la musique électronique qui propose une vivifiante réinterprétation des formes et des sons traditionnels de la musique arabe assistée par ordinateur. Son plus élégant représentant est actuellement le producteur et dj Gan Gah jeune talent d’Agadir venu s’installer à Bruxelles. Avec Jawad Boumalek alias Jabo, tous deux sont édités par le label belge Lowup. L’autre phénomène électro-oriental actuel représenté par le duo français Acid Arab, beaucoup plus techno, ne s’incrit pas vraiment dans le courrant Moroccan Bass. La musique de Gan Gah est plus subtile et plus “folk”. Elle puise ses sources à l’intérieur de la tradition marocaine, dans la musique Gnawa, le Chaabi entre-autres mais pas seulement. Ses morceaux, construits sur 4, voire 3 temps, s’inspirent aussi d’autres musiques moyen-orientales, africaines, sinon sud-américaine : Electro-Chaabi en Egypte, Disco-Arabesque en Turquie, Iraqi Style en Irak, Kuduro en Angola, le Shanggan d’Afrique du Sud, la Digital cumbia du Pérou.

C’est le Guembri, ou plus précisément le Sintir, la basse des musiciens Gnawa qui constitue le socle stylistique de cette musique. Suivant sa taille, l’instrument peut en effet atteindre des fréquences assez basses, proche des subs. Sous des formes légèrement modifiées, ce type d’instrument est répendu dans tout l’Ouest africain. Au Ghana, employé par King Ayisoba, une calebasse fait office de caisse de résonnance. Comme la peau de chameau qui le recouvre est en général frappée par les doigts qui tirent les codres en boyeaux de chèvre, cela donne en même temps un instrument de percussion. Si bien qu’on se trouve avoir en main à la fois la “Drum” et la “Bass”.

Et précisément Gan Gah revendique l’influence des différents courants de la musique électronique qui secouent l’Angleterre depuis l’apparition de la Drum & Bass. La Moroccan Bass s’inscrit dans une filiation qui va de la Jungle au UK garage, puis du Dubstep au UK funky. C’est donc en faisant le détour par Londres que la Moroccan Bass imprime la marque du son d’Agadir sur le devant de la scène électronique bruxelloise.